Souvenirs de régate 3

Le 5o5 en mode extrême, 1976 l'année "pas forcément sèche"... ou "très humide". Il faut se situer cette année-là: il n'a pas plu dans le nord de la France d'avril à octobre 1976. Il y a même eu un impôt sécheresse. Et au contraire il a beaucoup plu dans le sud de la Loire.

Championnat de France de voile Seniors, 5o5, Port-Barcarès (Pyrénées-Orientales), Août 1976

L'année de la sécheresse! Nous partons de Quiberon (où nous passions nos vacances), où l'eau était rationnée dans la journée et l'herbe en poudre...

On traverse la France pour aller dans ce pays du sud où l'on n'a vu que de l'eau pendant une semaine. Et cerise sur le gateau: on a aperçu à peine 10 minutes les Pyrénées, pourtant proches, entre deux paquets de nuages.


Il pleuvait tellement que tous les matins il y avait 10 cm d'eau dans les bateaux malgré les tauds! Ils étaient bien dessalés!
 Les organisateurs avaient fait appel à une unité de parachutistes de Pau pour assurer la sécurité en mer.

Le premier jour, temps "correct" pour des compétiteurs, clapot avec un reste de houle; le capitaine décide de sortir pour évaluer l'état de la mer... son zodiac se retourne! Décision: mer dangereuse, interdiction de sortir! Une "belle " journée de perdue!

Pour la dernière manche, le samedi, temps lourd, pesant, gris, pas de vent... désagréable, restes de houle très lente (non appréciée par les estomacs). Tout le monde enlève les couches de vêtements superflus... 3 heures et demi plus tard, on entend en passant près du Comité de course que les Finn sont en procédure de départ! Il y a du vent à 2 nautiques?

Une barre noire sur l'horizon commence à inquiéter tout le monde. On commence à se ré-habiller, le vent arrive et monte très rapidement. C'est le Golfe du Lion!

Le départ est donné dans du 4-5, avec un clapot dur et ça monte... on passe rapidement en mode "survie", pendant que les premiers cherchent la bouée de près... Mais elle a coulé! On est maintenant dans du 6, voire 7.

Nous chavirons, comme tout le monde! Un zodiac arrive sur nous, les pauvres militaires, sans expérience de ces situations, médusés de peur, ne débrayent pas le moteur m'obligeant à bondir pour le faire. Ils nous proposent le retour à terre en laissant le bateau sur place. Refus catégorique. Ils n'arrivent pas à repartir... tétanisés par la peur pour aller ré-embrayer. On affale la grand-voile, je constate qu'un hauban commence à se dé-toronner!

Tout le monde est en fuite vers la plage la plus proche, Port-Leucate à côté du Lydia (ex-paquebot transformé en restaurant). On suit le mouvement vers les cailloux! Il y a tellement de copains qui sont déjà là, que nous avons à peine le temps de sauter que le bateau est porté à 1 m du sol vers le talus herbeux... et il pleut!!! On ne s'en rend même plus compte!

Maintenant que bateau et équipage sont en sécurité, il faut aller chercher la remorque et la voiture à 5 km! Mon équipier fait du "stop" (comme les autres), avec 10 litres d'eau dans les vêtements. Des gens sympas se sont arrêtés! Il revient un "certain temps" après, on désarme sommairement, on attelle, on repart au club de Barcarès pour préparer le retour vers les régions sèches.

Pour la remise des trophées, un buffet magnifique nous attend... protégé sous des parasols tellement il pleuvait.

 

1976, année de la sécheresse? Certainement pas ici!

 

Pour les organisateurs ce fut vraiment dommage, car ils avaient prévu beaucoup de choses pour nous être agréables!

 

Transcription (partielle) de l'article écrit par Marcel Buffet dans le journal de la 5o5 Class: "Le samedi, le comité après avoir attendu longtemps un vent établi, donna un départ dans un vent médium du S-E qui bientôt dégénéra, en quelques minutes, en un 6 à 7 Beaufort alors que la mer se levait brutalement. Le jury annulait dès le départ, mais une quinzaine de bateaux n'entendirent rien et se lancèrent à l'assaut de la bouée au vent. Bien emmenés par Langlois/Séranne, ces bateaux s'arrêtèrent sans avoir trouvé la bouée, après 2 milles parcourus dans des conditions extrêmes: déferlantes, creux à casser les coques, gréements secoués comme des pruniers, voiles battantes, lattes envolées. Derrière, pendant ce temps, beaucoup de bateaux étaient en fuite ou chavirés. Le PC donnait aussitôt l'alerte et déjà l'hélicoptère du Cross-med survolait le plan d'eau à la recherche de quelques régatiers se baignant loin de leur bateau, tandis que les CRS et les paras tentaient de sauver en plus les bateaux. Quelques 5o5 se retrouvaient dans les rouleaux de la plage alors qu'un Finn double fond coulait! Le PC bien organisé, faisait un recensement rapide de tous les manquants et communiquait leurs signalements par radio à l'hélicoptère avec la position où ils avaient été vus pour la dernière fois. Deux heures après, tous les bateaux éparpillés sur les plages étaient ramenés. C'était fini!".

 Christian Maréchal