Les coups de piaule en régates

Pour Marcel Buffet, le "Grand Maître" du 5o5, c'était la "brafougne" (mot d'origine à priori de Marseille et ses environs), tempête pour les terriens, coup de vent pour les météorologues, piaule chez les navigateurs.

J'ai, comme tout le monde, eu à faire face à quelques mouvements d'humeur de la nature.


Carnac Juillet 1967, moniteur au club

Le bosco du club (un ancien de la marine à voile, à priori cap hornier...) me dit un soir: "Tu vois le pied de vent - me montrant des nuages dans le sud, regardes à l'opposé, celui-là est plus grand".

Je regarde le ciel très chargé sans identifier de formes particulières... et il ajoute:

"C'est le p'tit qui gagne, demain, 8".

Le lendemain matin, très tôt, force 8 de SSW. "Alerte".

Tout le monde sort pour aller renforcer les arrimages des bateaux de l'école sur le parking. Plus tard, les HSB me demandent si je peux sortir avec eux, avec le Zodiac MK III pour aller renforcer des mouillages. Entre deux crêtes de vagues (à l'abri du vent): les 50 CV donnent! Impressionnant. Au sortir de la vague, vitesse très très réduite, à deux couchés sur le pont avant pour éviter le décollage et le retournement!

 

 


Carnac (Morbihan), entraînement Ponant, août 1972

Pas de vent ou si peu, pas d'équipier... même seul, je ne crains pas grand-chose!

Le temps change, se charge de nuages, le vent rentre en changeant de direction... je prends quelques précautions: réglages un peu plus "gros temps". Le vent arrive franchement, monte en force... Me voilà pris au piège, j'ai beaucoup de mal à tenir le bateau. Cap sur le club en route directe, heureusement largue très avancé, le vent continue de monter, dérive remontée à 80%. Le bateau accélère encore. Le planning est impressionnant, assis quasiment sur le tableau arrière, à une vitesse que je n'ai que rarement atteinte en dériveur, je rejoins sans dommage l'anse du club sous les applaudissements des spectateurs.

 

 21 m² de voilure, force 6! Le soleil est revenu, le grain était passé!


Lac Kir à Dijon, 14 octobre 1973, Coupe de Bourgogne des Ponant

Ce plan d'eau, du nom de ce célèbre chanoine qui a donné son nom à ce mélange très apprécié de vin blanc et de cassis...  accueillait notre régate dominicale.

 

Temps gris, bas, peu engageant, température 7°, vent très très instable!

 

Bon, on y va... trajet chaotique vers la ligne de départ, mise en jambes très difficile.

Départ dans des conditions épouvantables. Le vent est imprévisible, écarts de 90°, passe de 1 à 6 et inversement! Mon équipier, funambule – acrobate "hors classe" monte quelques secondes et redescend aussitôt du trapèze... moi je lofe, j'abats en permanence.

A 200 mètres de la ligne d'arrivée, avec une bonne avance, sur une abattée violente, la lame du safran reste sur place... je me retrouve avec... plus rien dans la main gauche!

On a tous appris à l'école de voile que pour abattre, il faut choquer la voile, pour lofer il faut la border, accompagné des manœuvres opposées du foc. Ça, c'est la théorie apprise à l'école, dont on peut parler au bar avec les copains ou dans un salon. Inapplicable ici.

Avec ce vent infernal, nous n'avons jamais pu atteindre la ligne! Donc abandon et retour encore plus difficile à terre. Des concurrents avec des équipiers trop légers ou manquant d'expérience jettent l'éponge et ne souhaitent pas retourner dans le chaudron.

 

L'un d'eux me prête son safran et nous faisons les 3 manches suivantes. On finit 3e; la première manche nous a coûté la victoire!


Lac du Bourdon (Yonne), 5o5, 4 mai 1975

Ce dimanche matin en Bourgogne, le vent chasse l'humidité qui aurait pu traîner dans le secteur! Instable en force et en direction!

Les premiers sortent pour se "chauffer": les équipiers bondissent au trapèze... et prennent aussitôt le bateau sur la tête (normal, il n'y a plus de vent!); l'eau est fraîche!

Comme l'écrivait notre chroniqueur, Marcel Buffet,  "disons qu'ils perfectionnèrent leur technique de la brasse coulée". Force 6 "en rafales sauvages".

Voyant l'hécatombe, je demande à mon équipier de ne pas monter au trapèze! Au rappel, oui et moi écoute de voile à la main (taquets interdits). trois manches furent courues.

Nous avons été les seuls à ne pas chavirer, grâce à des temps de réponse nettement meilleurs que les autres même avec des coups de gîte extrêmes avec vue sur la dérive.

 

Un concurrent lance le spi... aïe, aïe, aïe... il part tout droit vent arrière dans un bosquet d'arbres et de buissons. Il a fallu un "certain" temps pour le sortir de là sans trop abîmer!!!


Dives-sur-mer (Calvados), 5o5, 31 mai et 1er juin 1975

Samedi, dès notre arrivée, on se rend compte qu'il y a "de l'air" (4/5) et une mer forte (6) à cause d'une faible profondeur.

On se prépare comme d'habitude, bateaux, équipiers...

Les premiers prêts partent de la plage dans les rouleaux, avec des difficultés. Les chavirages sont tout de suite nombreux. Plusieurs mâts n'apprécient pas et prennent des formes non prévues par le fabricant, voire cassent...

Au vu de tout ça, je décide de ne pas y aller. Evidemment, les copains me traitent de "dégonflé"! "Oui! Mais je n'ai pas envie de casser le bateau!"

Les autres abandonnent l'affaire un à un et rentrent! Donc j'ai bien fait! Et rien cassé!

 

Le comité de course au vu des conditions annule les manches de l'après-midi. Mais il fallut environ une heure avant que tous les bateaux ne soient rentrés. Deux bateaux furent roulés par les vagues... avec quelques dommages!

Que fait-on maintenant? Un passionné de sport automobile nous dit qu'il y a un circuit de Kart à Cabourg. Et nous voilà partis nous défouler au ras du sol, sans les embruns!!!

Dimanche, 2 manches, force 1-2, avec un très fort clapot résiduel...


La Rochelle, entraînement 5o5, mai 1986

Venu en touriste depuis Mérignac (en déplacement professionnel de plusieurs semaines), je retrouve, par hasard, à la SRR (Société des Régates Rochelaises), des cinquocinquistes venus s'entraîner en vue du championnat du monde dans quelques semaines.

J'embarque sur un Zodiac, avec un ami bordelais pour assurer une sécurité minimum (les skippers sont grands, adultes et sur-entraînés, mais...).

Le vent est "correct", 3 - 4, ciel de traîne, clapot assez court, difficile à passer.

 

Un grain arrive, et il se met à pleuvoir, comme rarement j'ai vu! De l'eau très serrée, avec de très "belles" gouttes; nous sommes "rincés" en quelques instants. Mais peu de vent dessous.

Le grain passe vite et surprise: la mer est d'huile, le clapot a été écrasé par la pluie, totalement laminé. Du jamais vu (pour moi)!

 

Mais rapidement le vent revient, le clapot aussi, sous le soleil!

Christian Maréchal