Une tranche d’histoire de la série du Caneton

Le Caneton fut en France le plus populaire des dériveurs à deux équipiers. Les premiers exemplaires dessinés par Victor Brix naviguèrent sur la Seine dès 1932. C'est donc aussi l'une des séries les plus anciennes.

 

700 à 800 exemplaires furent construits. Ils avaient la réputation d'être marins et leur élégance rappelait le Snipe américain.

Le Caneton Brix fut choisi pour les championnats de France à la Rochelle en 1946 car Fernand Hervé en avait construit une petite flottille. Ce bateau est fragile quand il n'est pas entretenu avec précaution, c'est ce qui explique qu'ils aient presque tous disparu sauf quatre dont Patouche… 

Ce bateau qui a surtout navigué dans le Fier d'Ars à partir de 1956 en tant que Patouche avait été construit en 1941 et beaucoup régaté dans la région parisienne entre 1947 et 1952 en tant que Donald. Acquis par le musée en 2003, sa remise en état a nécessité des travaux importants mais justifiés compte tenu de son intérêt patrimonial.

Dans la fiche de la rubrique "Petite Plaisance" du Musée présentant le Caneton n°252 Patouche, on peut lire:

"À l’origine Patouche s’appelait Donald (nom du célèbre canard de nos bandes dessinées de l’époque). Il a beaucoup navigué sur l’île de Ré avec son premier propriétaire M. Jean Balaresque qui habitait Paris. Racheté en 1956 par M. et Mme des Touches qui l’ont restauré cette même année, il a  changé de nom pour s’appeler Patouche…".

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Extrait des Jardiniers de la mémoire maritime: le Caneton
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Des recherches sur la "vie d'avant" de Patouche

Lors de son acquisition en 2003, il était clair qu'avant d'être propriété des Destouches, le Brix n°252 avait eu pour propriétaires les Balaresque. Or Confinement* et rangement d’archives aidant, on retrouve la trace d'un "Prix Balaresque", couru en région parisienne au Yacht-Club de la Marne le 30 avril et 1er mai 1950,  il y a exactement 70 ans. Occasion rêvée pour apporter un nouvel éclairage sur la vie d’avant de Patouche,  à l'aide de l’incontournable et mythique "Le Yacht, Journal de la Marine" mais aussi du bulletin "Le Caneton", la revue de l’Association des Propriétaires de Canetons (Asproca) parue à partir de fin 1949.

Association dont les Balaresque furent des membres très représentatifs, en épousant l'évolution de la série depuis le Brix jusqu'au basculement sur le 5o5, en passant par les Plans restrictions...

 

* Période qui a duré en France du 17 mars au 11 mai 2020 pour endiguer une pandémie due au COVID 19 car aucun vaccin ni aucun traitement n'étaient disponibles.


Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne) le club du n°252

Le numéro 252 à Ars-en-Ré sur l'ïle de Ré
Le numéro 252 à Ars-en-Ré sur l'ïle de Ré

Ces recherches donnent inévitablement un coup de projecteur sur le Yacht-Club de la Marne (YCM), le club du n°252 du temps où il s’appelait Donald et avait pour propriétaire les Balaresque.

Le Yacht-Club de la Marne était en effet le club de voile de ces parisiens aux origines bordelaises, dont on imagine qu’ils trouvaient fort pratique d’aller assouvir leur passion de la voile sur la Marne, à Vaires à 25 km à l’est de Paris. Et à en croire les tablettes des régates des saisons 1947 à 1950 du YC Marne, Jean (1903-1979) et son épouse Simone (1905-1972), puis leur fille aînée Marie-José (née en 1932 ou 1933) et ensuite leur fils Philippe, pratiquèrent le Caneton de façon assidue  sur le plan d’eau douce de Vaires-sur-Marne, classiquement de Pâques à la Toussaint. En dehors des périodes estivales où ils prenaient manifestement leurs quartiers maritimes du côté d’Ars-en-Ré (Charente-Maritime).

 

Mais comment Vaires-sur-Marne, à deux pas de la gare de triage de Chelles, peut-il faire rêver les Rochelais, surtout en cette période particulière où il semble qu’on soit bien plus tranquille d’esprit (et au vert…) du côté de la Tour Saint-Nicolas que de la Tour Saint-Jacques et que tous les esprits n’aspirent qu’au prochain plaisir (si-si tenez bon c’est pour très bientôt…!) de larguer les amarres, cap plein ouest ?

Rêver peut-être pas, mais s’émouvoir avec nostalgie pourquoi pas ? Surtout si l’on considère que le Yacht-Club de la Marne fut avant-guerre un repaire de canetonistes notoires dont les liens avec La Rochelle et la SRR (Société des Régates Rochelaises) sont bien plus profonds qu’on ne pourrait l’imaginer. 

  

Ce qui nous vaudra de reboucler avec l’histoire de la série du Caneton dont Michel Briand avait retracé la genèse à La Rochelle pour les Amis, et de lancer aussi un clin d’œil amical à Bertrand Chéret et à sa famille dont le club d’origine était le CV Meaux, club frère du YC Marne dans l’est parisien et pilier de l’Association des Propriétaires de Canetons, dans la période 1945-1955…


Il y a 70 ans! Le prix Balaresque

Plongeons-nous, pour commencer, au beau milieu de cette histoire, soit les dimanche 30 avril et lundi 1er mai 1950, il y a exactement soixante-dix ans. Ces jours-là, comme le rapporte Le Caneton n°17 de mai 1950, se court précisément le Prix Balaresque, qui comme le stipule le règlement  est ouvert à tous les Canetons, Brix et Restrictions.

Le prix Balaresque au YC Marne avril 1950

Le prix Balaresque au YC Marne 30 avril/1er mai 1950
Le prix Balaresque au YC Marne 30 avril/1er mai 1950

Ce qui est une clé pour comprendre le règlement sophistiqué du Prix, étalé sur deux jours. Premier jour, manches de classement  pour les dix canetons concourant, barrés chacun par leur propriétaire avec équipier obligatoire. Deuxième jour, épreuves sur deux séries de 5 canetons, les cinq premiers de la veille constituant la première série et les cinq derniers la deuxième. Puis régates en parallèle sur chacune de séries en 5 manches, avec changement de bateau à chaque manche.

  

Hormis l’aspect ludique - l’échange de bateaux étant une des grandes habitudes de la Voile d’antan pour égaliser les chances, à l’instar de certains concours hippiques où les cavaliers échangent leurs montures -  la méthode de course sophistiquée du Prix Balaresque de mai 1950 est d’autant plus appropriée que nous sommes exactement trois ans après l’adoption de la jauge à restrictions par la Série du Caneton.

En effet, conçue à l’origine comme une série monotype, basée sur le plan de l’architecte Victor Brix sélectionné sur concours en 1932 par les rouennais du Cercle de la Voile de la Seine-Maritime, la série du Caneton a décidé d’adopter à la toute fin de 1946 une jauge à restrictions. Jauge dont la souplesse permit, d’une part, de certifier conformes les plus de sept cent canetons déjà construits, en prenant parfois quelques libertés avec le plan de Victor Brix. Notamment pendant la guerre, puisque comme Michel Briand nous l’a expliqué on construisit et on régata beaucoup sur Caneton dans les années 41-42-43 à La Rochelle et ailleurs, Vaires-sur-Marne inclus. Et, d’autre part, jauge dont la liberté - une fois respecté les valeurs de certains paramètres selon les plages les restreignant, d’où le nom - fédéra la créativité et l’astuce des architectes et compétiteurs français (confère à nouveau Michel Briand).

Qu’une jauge dite à Restrictions soit finalement une jauge ouvrant des espaces de liberté semble paradoxal du point de vue terminologique, mais toujours est-il qu’en mai 1950 le succès de la formule est éclatant. La série du Caneton est en train de franchir la barre du n°1100, soit cent vingt nouveaux Canetons construits chaque année depuis 1947. Année où on a vu arriver aux beaux jours les premiers Plans Restrictions prenant le nom de leurs auteurs: Plan Sergent, Plan Aubin, Plan Hervé. Les canetons précédemment construits devenant des Plans Brix, puis des Brix tout court, appellation qui n’avait absolument pas cours jusqu’en 1946…

Puis viendront en 1948 les Plans Cornu, Plan Cornu étroit du CNSG  avec sa fameuse série des n°800 pour les plans d’eau intérieurs, Plan Cornu large pour les espaces maritimes, sans parler des Plans Dervin, Atlantic, Rocca et même Plan Briand puisque certains compétiteurs adoraient accommoder à leur sauce les plans de référence connus…   En mai 1950, la série est à la veille de  l’irruption des Plans Herbulot, marquant le basculement du Cercle de la Voile de Paris, temple olympique de la voile française qui jusqu’en 1949 avait regardé d’un œil distant le Caneton et qui a compris que c’est désormais la série de toute l’élite française.

 

Bref,  dans tout cet environnement, notre n°252 Donald est devenu un Brix. Un vieux Brix même, de la génération des n° 200 de 1941-42. Donc pas un très vieux Brix d’avant-guerre, mais sûrement le plus vieux des Brix du YC Marne où l’on ne voit plus guère courir les très-très vieux Brix, c’est-à-dire ceux de 1932, comme le n°7 "Popeye" des Foulon ou le n°11 "Spinach" des Joubert. Et en fait il n’y a plus beaucoup de Brix au YC Marne, peut-être le n°738 "Loustic" qui serait un des derniers Brix construits fin 1946/début 1947, même si on continua à construire quelques Brix après l’adoption de la nouvelle jauge…

Ceci étant, notre vieux et très cher Brix n’est pas totalement dépassé - et il en fut ainsi sur beaucoup de plans d’eau des clubs du dimanche - puisqu’en deuxième partie de classement, il prend le dessus sur le n°748, peut-être un des premiers plans Sergent, et surtout sur le plus récent des Restrictions du YC Marne le n°1040 "Eole", un Plan Cornu qui est sorti début 1950 du chantier Blondel, et qui nécessite sûrement quelques réglages…

 

Mais dans l’ensemble, en 1950, le YC Marne a adopté massivement le Caneton Restrictions et un retour vers les années 1947 - complété par un flash-back vers la création du club en 1938 -  permet de mieux comprendre les évolutions de la série au sein de ce club phare, et d’illustrer celles de l’ensemble de la Série du Caneton.


Apparition en public du n° 252

C’est précisément à l’ouverture de la saison 1947 que notre cher n°252 et les Balaresque apparaissent pour la première fois sur les tablettes des régates courues à Vaires-sur-Marne, publiées dans Le Yacht. Ce qui veut dire que de 1942 à 1946, on ne trouve aucune trace, ni du n°252, ni de la famille Balaresque et en tout cas pas au YC Marne pour l’un et l’autre…

Prix Cettier du YC Marne du 27 avril 1947

27 avril 1947: le n° 252 au prix Cettier du YC Marne
27 avril 1947: le n° 252 au prix Cettier du YC Marne

 Bref, après les premiers dimanches consacrés à la reprise et aux entraînements, le 27 avril 1947 marque l’entame officielle de la saison du YC Marne.

 

Pour être honnête, notre Caneton favori y fait pâle figure. Mais il faut dire que l’opposition est de taille.

Primus inter pares,  André Joubert des Ouches, qui remporte le Prix Cettier sur le très récent  n°671, avec lequel il a été sacré vice-champion de France en double en août 1946… à La Rochelle… battu d’extrême justesse par un certain Fernand Hervé. Puis en deuxième place,  Alain Cettier sur son "Flem II" n°221, et son fils Jean, à peine dix-sept ans, sur le n°234.

A Cettier sur son Caneton
A Cettier sur son Caneton

 A y regarder de plus près, on perçoit,  mais nous y reviendrons, qu’il y a déjà trois générations de canetons au sein du YC Marne. Celle de la série 200, avec les n° 221, 225, 234, construits pendant la guerre en 1941/1942, ceux construits à la fin de la guerre comme le n°528 (et non le 28…) de Jean Schoenfelder et enfin ceux de 1946, les tout récents n°671 et n°721.     

Mais, tous appelés à devenir Brix à l’apparition des Restrictions dans quelques mois et en particulier avec l’apparition au sein du YC Marne, d’un des tout premiers Plans Sergent - donc l’un des tout premiers Canetons Restriction - le n° 754 d’Alain Cettier, pris sous toutes ses coutures par Le Yacht à l’été 1947, le premier des premiers étant peut-être le n°752 de Louis Jourdan au CV Seine-Maritime, club fondateur de la Série en 1932… 


Les canetons avant et pendant la guerre de 1939-45

À l’instar du phénomène décrit par Michel Briand pour la SRR, l’activité des Canetons fut intense à Vaires-sur-Marne pendant la guerre, les Canetons éclipsant peu à peu les autres séries du club. Il faut dire qu’à trente minutes de Paris en train depuis la gare de l’Est, le plan d’eau du YCM offrait au groupe de canetonistes constitué avant-guerre une possibilité inégalée de s’évader au grand air et de continuer à se confronter sur l’eau.

AG du YC Marne du 5 avril 1939

AG du YC Marne du 5 avril 1939
AG du YC Marne du 5 avril 1939

En quelques noms - André Joubert des Ouches (1903-1991), Alain Cettier (1905-1961), Fernand Hervé (1907-1984) - presque tout est déjà dit du noyau de trentenaires fondateurs de la section Caneton du YC Marne [1] au tout début de 1938 et futurs grands animateurs de la série pendant et après la guerre.

Fin 1937 précisément, alors que la série du Caneton créée en 1932 comptabilise 40 unités et en espère 60 pour le début de la saison 1938, Robert Jeuffrain, président du CV Muids et de l’Association des Canetons (qui deviendra après-guerre Asproca), donne mission à Alain Cettier - membre du CV Muids - et à son compère Fernand Hervé - habitué à Paris des milieux artistes de Montparnasse et donc de la Brasserie la Coupole dont le propriétaire René Lafon avait une résidence secondaire à Muids … -  de constituer en Région Parisienne un pilier sur lequel appuyer le développement encore fragile de la série. 

 

Selon des circonstances encore à préciser, le duo choisit pour cible le Yacht-Club de la Marne et devint trio en s’adjoignant le soutien d’André Joubert des Ouches, parisien aux très anciennes racines familiales du côté de Noirmoutier. Ainsi fut créé au sein du YCM une flotte Canetons qui comptabilisa 12 unités à l’entrée en guerre. 

Moment où, pour le plus grand bonheur de la série, "Tonton" Hervé gagna La Rochelle avec son n°78 de 1938 Bagheera et donna une nouvelle tournure à sa mission d’origine  en créant une section Canetons au sein de la SRR, convaincu de contourner son confinement maritime du moment en se reportant sur les plaisirs du dériveur sur le canal de Marans …

 

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 [1] Cette section était créée au sein du successeur du très vénérable Cercle de la Voile de Nogent-Joinville, déménagé à Vaires deux ans plus tôt avec son imposante flotte de 12 m2, et qui prit le nom plus générique de YC Marne lors de la saison 1937.


Les n°120 et n°222 sur le plan d’eau de Vaires du YC Marne années 1941-1943

Les n°120 et n°222 sur le plan d’eau de Vaires du YC Marne
Les n°120 et n°222 sur le plan d’eau de Vaires du YC Marne

La plupart d’entre eux, âge aidant, ayant échappé à la mobilisation puis à la captivité, on retrouva sur l’eau pendant les saisons 1941/1942/1943 la quasi-totalité de la flotte des onze canetons d’avant-guerre. On y distinguait trois générations, porteuses de l’histoire du Caneton. Tout d’abord celle des temps fondateurs au CV de la Seine-Maritime et au CV Muids de 1932 à 1935, avec le n°7 "Popeye" de la famille Foulon et le n°11 "Spinach" d’André Joubert des Ouches, canetons qui avait commencé leur carrière au CVSM, complétés par le n°21 "Flem" d’Alain Cettier, issu du CV Muids. Puis ceux apparus pour le début de la saison 1938: soit les n°76 "Mowgli" sister-ship du n°78 "Bagheera",  n°79 "Viking" alias "Badabou", n°80 "Tonkin", n°83 "Canac". Et enfin ceux sortis pour le début de la saison 1939, les n°97 "Tagada", n°110 "Lotus" et fermant la marche le n°120 "Flip" du Dr Georges Pisani.

 

En 1942, Alain Cettier, qui commençait à devenir un personnage fédéral important puisqu’il fut nommé en 1943 Secrétaire Général de la Fédération Française de la Voile, enrichit la flotte du YCM par son "Flem II" n°221, de la génération "200" signant le cru 1942 de la série des Canetons.

Au YCM, la génération "200" comptait outre le n°221, les numéros n°211, 222, 225, 234… mais bien que sûrement né en 1942, on ne trouve aucune trace de notre cher n°252 pendant cette période de la guerre pourtant active au sein du YC Marne, ni de ses propriétaires de 1947 les Balaresque.


Le championnat de France La Rochelle 1946

Les grandes retrouvailles de la famille canetoniste à La Rochelle lors du premier et audacieux Championnat de France sur dériveur à deux équipiers couru en août 1946 et première étape de la reconnaissance du Caneton comme Série officielle en double.

La Rochelle, 1946: le n° 213 (SRR) entouré du n°671 d’A. Joubert (YCM) et du n°600 de G.Pisani (YCM)

La Rochelle, 1946: le n° 213 (SRR) entouré, voiles nylon bicolore, du n°671 d’A. Joubert (YCM)  et du n°600 de G.Pisani (YCM)
La Rochelle, 1946: le n° 213 (SRR) entouré, voiles nylon bicolore, du n°671 d’A. Joubert (YCM) et du n°600 de G.Pisani (YCM)

Itou pour 1946, qui fut l’année de vraie reprise du YC Marne, sorti indemne de la guerre, malgré sa proximité immédiate avec la gare de triage de Chelles, maintes fois bombardée par les alliés de mars à juillet 1944… Année qui fut aussi celle des grandes retrouvailles de la famille canetoniste à La Rochelle lors du premier et audacieux Championnat de France sur dériveur à deux équipiers couru en août 1946 et première étape de la reconnaissance du Caneton comme Série officielle en double.

Le YC Marne ne pouvait manquer de venir en force défier son ancien camarade de club et plaça trois équipages parmi les vingt finalistes, face entre autres à neuf équipages de la SRR …

 

Et la lutte fut serrée entre Fernand Hervé, couronné champion d’extrême justesse,  avec "Loulou" Jay comme équipier et André Joubert des Ouches devancé d’¼ de point après avoir fait sensation sur son nouveau n°671, équipé de voiles Nylon (qui arboraient le n° 11 de son "Spinach"). Le deuxième meilleur classé du YCM fut Georges Pisani, septième sur son n°600 qui signe le cru 1946 de la série.


Et à partir de 1947... les Balaresque

Dès lors, on verra au cours des régates de la saison 1947 au YC Marne,  les Balaresque alterner entre n°252 et n°683, ce qui veut dire qu’ils conservèrent un temps deux Brix, leur vieux Brix n°252 de 1942 et leur Brix très récent de 1947…  

Le Yacht n°3037 du 22 février 1947

Le Yacht n°3037 du 22 février 1947
Le Yacht n°3037 du 22 février 1947

 On aurait rêvé voir le n°252 sur les tablettes du championnat de 1946! Peut-être figurait-il parmi les 35 équipages éliminés lors des qualifications qui attirèrent au total 55 équipages! Mais jusqu’à maintenant, les archives et donc l’histoire n’attestent aucunement de l’apparition du n°252 et des Balaresque sur la scène canetoniste avant le démarrage de la saison 1947, à Vaires-sur-Marne.

Et, de plus,  paradoxalement, au tout début de la saison 1947, lorsque le Yacht publie les listes de certificats de conformité que la FFYV a érigés en sésame indispensable pour la participation aux régates, ce n’est pas avec le Caneton n°252 que l’on repère les Balaresque, mais avec un Brix bien plus récent de la fin de 1946. 

Aux côtés des Balaresque et de leur n°683 sont également enregistrés comme membres du YCM détenteurs de certificats, André Joubert, avec le n°671, le Dr Georges Pisani avec le Caneton n°600, et x Allègre avec le Caneton 567.

Et dans la même liste,  par un hasard qui n’en est pas totalement un, on peut prendre connaissance des certicats de la flotte de canetons du SRR…


Marie-José Balaresque sur le n°683 printemps 1947

Marie-José Balaresque sur le n°683
Marie-José Balaresque sur le n°683

Ainsi après la régate d’inauguration du 27 avril où le n°252 était de sortie, pour le prix Willcoq du 8 juin, réservé aux jeunes, Marie-José, fille de Jean et Simone Balaresque, court sur le n°963. Face à Jean Cettier, 17 ans, fils d’Alain, Philippe Joubert des Ouches, bientôt 14 ans, fils d’André, sa cousine Martine Coulon, fille d’Odette sœur de Jean Balaresque, Monique Caunois.

 

Marqueur clair de l’attachement de l’Association des Canetons à favoriser, grâce à une pratique familiale, l’accès au plus tôt des jeunes à compétition, pour  préparer la relève.

Le plus bel exemple dans la grande famille canetoniste en étant sûrement la famille de Marcel Chéret, trésorier de l’Asproca, voisin du YCM à Meaux, mobilisée week-end et vacances sur les plans d’eau dès 1947 avec Pierre né en 1935 (cadet puis junior) et  Bertand né en 1937 (très jeune cadet)…


Les Balaresque sur le n°252 en septembre 1947

Septembre 47, les Balaresque sur n°252
Septembre 47, les Balaresque sur n°252

 Mais que ce soit avec le n°252 ou le n°683,  les Balaresque vont devoir faire face à partir de la fin de la saison 1947 aux Plans Sergent.

 

Cependant la messe n’est pas toujours dite en faveur des Restrictions et comme l’aspect économique ne pouvait être négligé dans cette période d’après-guerre encore sujette aux restrictions de tous ordres, beaucoup font faire durer leur Brix et vendre chèrement leur peau sur l’eau …

 

Ainsi, le prix Joubert du 21 septembre 1947, démontre qu’un Brix, ancien ou pas, pourvu qu’il soit  bien barré, tel le n°671 du Dr Aye, ou même le n°222 de Jean Cettier, le jeune fils de, peut tenir la dragée haute au n°748 des Caunois et au n°754 d’Alain Cettier. Et les Balaresque avec leur n°252 de 1941, s’en tirent honorablement en milieu de tableau…

 

En fait, ce sont sur les plans d’eau ouverts, comme ceux des Championnats de France tous courus en mer, que les écarts de performance se révèlent inexorablement en faveur des nouveaux Plans, surtout avec des conditions de vent établies où aucune découverte de risée miracle ne permet de rebattre les cartes de l’ordre établi. Et au Championnat de France à deux équipiers de 1949, il n’y a plus de Brix en compétition. Dès lors, le mouvement pris au niveau de l’élite va gagner la masse des Canetonistes.  

 

Mais au début de la saison 1949, on voit toujours les Balaresque - en l’occurrence Simone et sa fille Marie-José - courir avec leur vieux Brix Donald lors du Championnat de France Dames des Canetons, épreuve organisée depuis l’origine de la série et dénotant un attachement profond de l’Asproca à l’égalité des genres, modernisme qui n’empêchait pas, reconnaissons le, certains compte-rendus à se laisser aller à des propos décalés… 


Un championnat de France Dames mai 1949 chahuté…

Un championnat de France Dames chahuté …
Un championnat de France Dames chahuté …

Ce championnat étant couru à Vaires-sur-Marne, le YCM y participa en force avec quatre équipages pour honorer ses hôtes  dont le  CV Muids, avec la jeune Denyse Mouvet, l’épouse du regretté Francis, future double championne du Monde avec lui en 420… et le CN Saint-Germain, avec les sœurs Odile et Marie-Rose Jaud de la Jousselinière, fameuses jeunes canetonistes ferventes absolues du Brix

Toujours est-il que sur l’eau on ne plaisanta pas lors de ce championnat où les concurrentes durent affronter des conditions de vent proprement dantesques. Et comme de nombreuses  concurrentes, Simone et Marie-José durent abandonner sur avarie, barre cassée, dès la première manche.

Le reste de la course fut à l’avenant et à ce jeu de massacre, les sœurs de la Jousselinière semblèrent tirer leur épingle du jeu, de façon d’autant plus méritoire qu’elles étaient venues avec le n°1, primus inter pares, autrefois "Aunavai" sous les marques du CVSM, devenu "Whisky" après avoir été racheté par André Hannequin, capitaine de la flotte du CNSG.

 

Las, les sœurs de la Jousselinière perdirent sur le tapis vert… pour un incident entre les quatrièmes (finalement déclarées vainqueurs) et les dernières… Signe du destin inexorable de la série, les sœurs de la Jousselinière se présentèrent elles aussi avec un Plan restriction, le n°990, au Championnat de France d’août 1949. Du numéro 1 en mai à Vaires, au n°990 en août à Sainte-Maxime, le saut était quantique et si les sœurs se classèrent  comme d’habitude premier équipage féminin, elles restèrent en milieu de tableau, comme lorsqu’elles couraient sur Brix[2]

 

Et cette même année 1949, les Balaresque craquent comme beaucoup d’autres et adoptent un Caneton Restriction, le n°969, qui apparemment remplace plutôt le n°683 que le n°252 dans la flotte Balaresque, puisqu’on verra un Balaresque jeune courir sur le n° 252 au YC Marne en octobre 1950. Il faut dire que le n°683 relevait de la cote mal taillée. Caneton récent de fin 1946, mais devenu dès 1947 Caneton  Brix face à l’irruption des nouvelles coques.

 

On voit donc, en juin 1949,  Jean et Simone Balaresque,  toujours sous les marques du YCM, courir avec le n°969 lors du 20e anniversaire de l’YCIF en juin 1949, puis du Bol d’or du CVP du 11 juin (Le Caneton, n°7, juin 1949).

A y regarder de près, ce 20e anniversaire de l’YCIF, où les Balaresque sur leur n°969 font très bonne figure en prenant la septième place sur trente concurrents de très haut niveau, constituent une véritable tranche de l’histoire du Caneton. Le vainqueur en est Jacques Lebrun, "le" champion olympique français,  toujours sur la brèche à quarante ans et qui vient enfin, comme le Cercle de la Voile de Paris, d’adopter le Caneton. Il court sur le n°977 "LP 20", un plan Cornu "étroit" construit au chantier Sampson de Sartrouville. Il devance deux autres Cornu étroit, issus de la série 895-910, dont le CNSG avait l’exclusivité  au début de la saison 1948.

 

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[2] Plus tard, on verra apparaître un nouvel équipage Odile Lebec - Marie-Rose de la Jousselinière, Odile ayant épousé le champion du SNO Guy Lebec. Puis Marie-Rose approfondira ce nouvel espace des relations entre CN St-Germain et SNO en épousant Claude Flahault et l’un des deux couples s’établira à La Rochelle (avis aux enquêteurs…).


Juin 49: Les Balaresque sur le n°969 face à l’élite

Les Balaresque pointent juste derrière Jean-Michel Auclair le junior qui monte à l’YCIF (et qui en deviendra président à l’âge adulte), et les Joubert des Ouches,  leurs compagnons de club sur le n°785  "Muscadet".

 

Ils devancent leurs voisins du CV Meaux, les Chéret, sur leur emblématique n°913 "Anaticula" et Alain Cettier, sur son premier Sergent le n°754, lequel Alain vient de quitter le YC Marne pour rallier le CV Paris.

 

Et c’est précisément au Cercle de la Voile de Paris qu’on retrouve ensuite en 1951 les Balaresque avec le n°969. Face au Plan Herbulot n°1117 de Jean Cettier membre depuis 1949 et face au n°1001 d’André et Philippe Joubert des Ouches qui ont quant à eux rallié le CVP en 1950.

 

Indéniablement, avec ces ralliements successifs au Cercle de la Voile de Paris des Cettier, Joubert des Ouches et Balaresque, trois piliers du YC Marne, une page s’est tournée à Vaires-sur-Marne….

 

On perd ensuite un peu le fil des Balaresque et de leur mini-flotte de Canetons dans les années 1953-55, mais en mai 1956, on voit Balaresque et Fils sur le 5o5 n°348, enregistré à Ars-en-Ré…

Signe qu’à l’instar de nombreux canetonistes, et surtout des plus compétiteurs d’entre eux comme Michel Briand ou les frères Chéret, les Balaresque ont tourné la page du Caneton restrictions et adopté le Caneton 5o5, le nouveau monotype adopté par l’Asproca en 1954,  qui connut son véritable essor en 1955… et devint 5o5 tout court.

 

Lors des régates de l’Ascension organisées par le CV Bordeaux à Maubuisson, ils ont à faire à forte partie face à toute l’élite française, dans lesquels on repère quelques figures bien connues et qui le deviendront encore plus sous l’ère 5o5: Roger Tiriau (vainqueur) sur le n°335, Bertand Chéret sur le n°336, François Chéret et son père Marcel sur le n°6, Jean Cettier sur le n°321, Pierre Toureau sur le n°21, Francis Mouvet sur le n°266…[3]

 

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[3] Manque à l’appel Michel Briand, à l’époque focalisé sur l’obtention d’une sélection olympique en Finn et qui dut  finalement renoncer pour cause de maladie … pour renouer avec le 5o5 en 1959. 


Et Donald devient Patouche

C’est vraisemblablement à ce moment que les Balaresque tournent définitivement la page de leur vieux Brix n°252 et le cède aux DestouchesDonald est mort, vive Patouche!


Remerciements

Remerciements à Michel Briand et Bertrand Chéret pour des échanges passionnants l’an passé, ainsi qu’à Pierre Chéret, toujours à Meaux et gardien précieux des archives familiales.

 

Jean-Philippe Henry,  confiné à Vanves (92), le 5 mai 2020


Note: Il y a quelques années Marie-José Balaresque, devenue Madame Jacques Gachet, et sa fille Laurence Gachet-Blanchet continuaient à fréquenter Ars-en-Ré. Peut-être un membre des Amis qui a des attaches sur l'île pourrait nous aider à en savoir encore un peu plus sur "Donald"?