Voile légère et retour sur images: souvenirs contrastés!

Il en est qui amasse des richesses, d'autres qui courent après des titres ou des honneurs et d'aucuns (comme la plupart) qui trouvent leur bonheur dans des occupations riches en événements, en rencontres humaines et en satisfactions toutes simples. Michel est un homme très discret mais se raconte un peu dans son parcours de régatier assidu et régulier. Il a, entres autres, pris une part très active dans l'organisation des deux derniers trophées du Musée Maritime de La Rochelle en 2018 et 2019.

Le parcours de deux frères

Rien ne nous prédisposait à cette quasi-addiction: aucun navigant dans nos proches,  domicile éloigné du littoral, pas d’intérêt spontané pour le domaine maritime... jusqu’à ce que nos parents s’installent en 1964 pour quelques années à Aytré.

Nous tombons dès lors - mon frère et moi - dans le "chaudron magique dériveur" et, après un apprentissage autodidacte, somme toute très classique (sur Caravelle puis Caneton), nous  remarquons un dériveur parqué sur la cale du vieux port: ligne magnifique et potentiel évident. Nous venions de découvrir le FIREBALL (dont les meilleurs équipages s’entraînent alors à la La Rochelle).

Mais comment accéder à un tel coursier: les clubs locaux n’en possèdent aucun et nos moyens d’adolescents sont limités. Nous optons donc pour la construction amateur, achetons en 1966 un Kit du chantier Guindé et construisons notre premier Fireball dans le garage de notre sous-sol (coque à bouchains vifs, construction classique sur couples/lisses, panneaux de coque et pontage en contreplaqué, assemblage colle résorcine).  

Nous réalisons le chantier sans rencontrer de difficultés majeures: nous disposons en effet des vacances d’été et utilisons les conseils de nos aînés Fireballistes lorsque les plans ne sont pas totalement explicites. Seul bémol: nos parents apprécient très moyennement nos horaires de bricolage et encore moins  l’utilisation du salon comme cabine de peinture pour les finitions laque et vernis (nous n’avions pas été assez rapides pour réaliser ces travaux sur un week-end d’absence)

Les étapes suivantes furent plus simples: le convoyage domicile/Vieux-Port fût réalisé très tôt le matin (en calant le timon de la mise à l’eau sur le pare-choc de la 403 familiale) et le montage final gréement – voiles eut lieu sur le parking dériveur. 

Nous voici donc – mon frère et moi - propriétaires du F 2184,  membres de l’ association Fireball et inscrits à la SRR. Nous naviguons dès lors très régulièrement pendant les vacances scolaires, complétons l’équipement de base du bateau (ajout du Spinnaker, personnalisation de l’accastillage) et perfectionnons nos manœuvres tant et si bien que nous devenons à l’aise dans la brise et commençons à penser sérieusement "régates".

Fire F 2184 : construction classique 1967

Fire F 2184 : entraînement d'hiver à La Rochelle


Championnat 1968 / Club de Pornic / F 2184

Nous participons à notre premier championnat et découvrons avec humilité départs et virements de bouées au beau milieu d’une cinquantaine de concurrents pré-sélectionnés (à cette époque la flottille d’une centaine de bateaux inscrits est divisée en deux groupes pour cette compétition).

Nous ne prenons pas de risques dans les phases critiques et essayons de prendre les 

bonnes options lors des longs bords de près afin de rester dans la meute et de compenser notre prudence (... et perplexité) lors des moments de grande promiscuité ... (départs et virement de bouées ).

Par vent médium, beau temps et courants faibles nous terminons en milieu de classement , très contents de cette première expérience "grandeur nature". 


Semaine de la voile 1969  / SRR La Rochelle / F 2184

Au fil des sorties nous devenons plus aguerris. Nous apprécions les conditions musclées et ne manquons aucune régate organisée sur "notre" plan d’eau . C’est ainsi qu’après avoir suivi un stage d’entraînement hivernal (supervisé par B. Chéret) nous participons – comme plusieurs centaines d’équipages - à la semaine de la Rochelle (nous vivons alors les années fastes de la voile légère et cette épreuve organisée le week-end de la Pentecôte rencontre un franc succès).

Eu égard au nombre de séries et de participants, notre parcours – regroupant FIRE et 5O5 - se trouve mouillé au large, au Sud de la pointe des Minimes. Après les premières manches, courues par vent établi, le départ du 2e jour est donné par force 5  à une flottille quasi complète. Les conditions changent brutalement à mi-course: un coup de vent (F 7 enregistré) surprend la plupart des concurrents au portant et provoque une pagaille indescriptible à l’approche de la bouée. De nombreux concurrents dessalent sous spi et, pour notre part, drisse de spi bloquée, nous ne parvenons pas à affaler, et finissons par un soleil tel que mon frère est éjecté et entrainé par les vagues loin du bateau. 

Seul il me sera impossible de redresser le FIRE; nous serons finalement récupérés par une barge militaire affectée à la sécurité sur notre parcours et... abandonnerons bateau, manche et régate.

Ce fut la dernière sortie avec notre premier Fireball ! En effet la sécurité‚ débordée, ne put que secourir les équipages. Certains bateaux finirent à la côte, d’autres - dont le nôtre - furent remorqués couchés occasionnant des dégâts conséquents . 

Bilan global: nous sommes sains et saufs... et contents de l’être mais notre FIRE est réduit à l’état d’épave (mat cassé, coque trouée, voiles déchirées, ...). 

... restait alors à récupérer et retrouver l’enthousiasme pour  entamer une  reconstruction!


Championnat  1969 / Club du  Verdon / F 4114

F 4114 en compétition
F 4114 en compétition

Les dommages ayant été reconnus (il y eut de très nombreux sinistres cette année-là), nous avons été dédommagés par l’assurance et avons – pour des raisons de délais - commandé une coque nue brute au chantier Guindé. 

La finition coque, l’accastillage, et les tests furent expédiés en mode commando afin d’être prêts pour le point d’orgue de la saison:

"Le championnat du Verdon“.

Les conditions de ce championnat furent plutôt clémentes et, s’il fallut composer avec un courant omniprésent (et très fluctuant) dans l’embouchure de la Gironde, il n’y eut – en dehors des "touchettes" et disqualifications liées aux départs - que peu de problèmes.

Forts de notre équipement compétitif et flambant neuf (coque, gréement, accastillage, voiles) et boostés par une motivation sans faille, nous réussissons de belles manches et terminons 7e sur 66 équipages classés.

Nous utiliserons ensuite avec succès ce même bateau pendant plusieurs années jusqu’à ce que nous cessions – mon frère et moi – de naviguer ensemble pour cause d’éloignement géographique.


Fire F 9334 : construction sur moule asso 1972


La Rochelle 1974


Épilogue

Travaux sur F 9334 en 1994
Travaux sur F 9334 en 1994

Le choix initial d’une série (470, 5O5, FIRE, ...) se fait souvent sur coup de cœur.... Toutefois la pertinence du choix  n’apparaît qu’au fil des navigations et des compétitions de cette série où doivent régner Fair-play et Convivialité....

Ayant trouvé cet esprit dans le milieu Fireballiste, j’y suis resté et - après les deux premières coques dont je viens de parler, j’ai successivement:

 

- racheté une coque amateur le F 1884 pour naviguer dans le Berry.

- construit (en 1972) et navigué de nombreuses années en famille sur le F 9334  (celui de la collection  du Musée Maritime – construction CP sur moule, joints tissu de verre/résine polyester)

- navigué quelques années sur les F12122 et F 10617 appartenant à des amis co-équipiers

- racheté enfin le F 14267 (coque composite) avec lequel je navigue encore actuellement.

 

Nostalgie certes lorsque l’on songe aux années 1970/80 et aux flottilles d’une centaine de bateaux inscrits aux rencontres du calendrier... (cf extrait ci-dessus de la Semaine de La Rochelle 1974) mais tout évolue et les protos actuels (moths à foils, 49’s, ....) suscitent très probablement des passions similaires pour une autre génération de voileux !

 

Nostalgie atténuée cependant par le plaisir de continuer à naviguer sur des supports plus sages (donc plus anciens)... en évitant désormais les conditions trop musclées. 

    

À bientôt donc, peut-être sur l’un des bateaux de la PPL... voire sur le FIRE F 9334.

 

Michel Rouillé